lundi 14 juillet 2014

Game Design Concepts 

3/3 
Une expérience de la conception et de l'enseignement du Game Design
Ian Schreiber

Extraits du troisième cours des game studies de Ian Schreiber, qui se sont tenus entre fin juin et début septembre 2009. Cette dernière et troisième partie complète les fondamentaux à connaître au sujet d'un vocabulaire critique du jeu. Aspect incontournable, pour qui souhaite amorcer une formation en game design.

Liens vers : 
Game Design Concepts 1/3
Game Design Concepts 2/3


Les éléments formels du jeu
Nous allons aujourd'hui, et pour la dernière fois, continuer à construire un vocabulaire critique à partir duquel nous pourrons discuter des jeux. Nous allons nous immerger dans le processus de conception de jeu.

Comme je vous l'avais expliqué lors de notre premier cours, nous avons besoin de pouvoir disséquer et analyser un jeu. Nous avons besoin de pouvoir discuter de ses composantes, et comprendre comment ces dernières s'assemblent. Ça serait utile d'ailleurs que les critiques professionnelles puissent avoir une approche similaire pour analyser et critiquer les jeux.

Il va être très utile dans notre démarche également, de comprendre comment les différentes parties d'un jeu s'imbriquent entre-elles si nous voulons concevoir des jeux.
L'un des articles à lire dans le cadre de ce cours est le texte de Doug Church, à propos des outils formels dans la conception de jeu.
Je tiens d'ailleurs à mentionner quelque chose à ce propos : Il a défini 3 aspects dans les jeux qui méritent notre attention :

L'intention du joueur
Définie comme la capacité du joueur à concevoir et réaliser ses propres plans et objectifs. Nous y reviendrons un peu plus tard dans ce cours, mais pour l'instant, il faut se rendre compte qu'il est important, dans de nombreux jeux, de permettre au joueur de pouvoir former son propre plan d'action.

Les conséquences perceptibles
Elles sont définies dans le jeu comme des réactions claires aux actions du joueur. La clarté est importante, très importante. Si le jeu réagit mais que vous ne savez comment l'état du jeu a changé, alors vous aurez forcément des difficultés à faire le lien entre vos actions et les conséquences de vos actions.

L'histoire
C'est le fil conducteur de la partie. Notez que le jeu peut contenir 2 types d'histoire :
L'histoire écrite : créée par le concepteur.
L'histoire émergente : créée par le joueur.

Voici un exemple d'histoire émergente : vous racontez à vos amis votre expérience que vous avez récemment eu en jouant. « Je suis parvenu à contrôler la quasi totalité du territoire de l'Afrique, mais je ne suis pas parvenu à chasser Adrien (l'autre joueur, votre adversaire) du Zaïre ».

L'histoire écrite est généralement ce que nous vivons en suivant la narration du jeu.
Un exemple?
Vous jouez un chevalier qui, s'aventure dans le château d'un sorcier maléfique.
Du point de vue de Doug Church, l'histoire écrite est en concurrence avec l'intention et les conséquences du joueur. C'est à dire que plus l'histoire du jeu est « sur les rails », moins le joueur pourra avoir d'influence sur le résultat.
Lorsque Greg Costikyan dit dans I have no words que les jeux ne sont pas des histoires, Doug Church fournit un complément de définition de ce que voulait dire Costikyan.
Voici un exemple qui souligne bien les raisons pour lesquelles l'intention du joueur et les conséquences perceptibles sont importantes. 

Considérons la situation suivante :
Vous jouez à un FPS. Vous arrivez face à un mur qui possède un interrupteur. Vous appuyez dessus. Rien ne se passe....
Et bien, en fait, quelque chose vient de se produire. Mais le jeu ne vous donne aucune indication sur ce qui vient de se passer.

Peut-être une porte s'est ouverte quelque part dans le niveau?
Peut-être que vous venez de réveiller une horde de monstres quelque part, et vous allez tomber dessus dès que vous allez quitter la pièce?
Peut-être y a t-il une série d'interrupteurs qui doivent être mis sous tension (ou hors tension) ou peut-être devez-vous enclencher cette série dans le bon ordre, afin d'ouvrir le chemin d'accès pour le niveau supérieur?

Duke 3D : Lorsque vous tirerez sur ce commutateur, une nouvelle porte s'ouvrira derrière vous.

Mais imaginez que vous n'avez aucun moyen de le savoir. Vous allez fatalement vous sentir frustré et aller sans doute approfondir vos recherches, retourner partout ou vous avez été jusqu'à ce que vous remarquiez une modification de l'état du jeu en relation avec le déclenchement de l'interrupteur.

Comment pourrions-nous résoudre ce problème?
En ajoutant des informations.
Un bon moyen de fournir une carte (ou un plan) au joueur, et de mettre en avant un endroit lorsqu'il actionne l'interrupteur.
Ou encore, d'intégrer une scène cinématique au moment ou il actionne cet interrupteur.
Il y a certainement d'autres moyens de pouvoir informer le joueur de l'état du jeu lorsqu'il agit sur cet interrupteur.

Qualités du jeu
Il a été souligné, à juste titre, que lors du premier cours, j'ai insisté sur le fait qu'un vocabulaire critique est important, et, aussi que définir le jeu est « impossible ». D'où une contradiction de ma part. Et bien, nous pouvons concilier ce paradoxe apparent.
Relisez les définitions figurant sur vos notes du premier cours.
Séparez toutes les qualités énumérées de chaque définition qui peut s'appliquer aux jeux. Nous y trouvons quelques thèmes récurrents :



  • Les Jeux sont une activité.
  • Les jeux ont des règles
  • Les Jeux ont des conflits.
  • Les Jeux ont des objectifs.
  • Les Jeux impliquent la prise de décision.
  • Les Jeux sont artificiels.
  • Les Jeux n'impliquent aucun gain matériel.
  • Les Jeux ont un résultat incertain.
  • Les jeux sont une représentation ou une simulation de quelque chose de réel.
  • Les jeux sont inefficaces.
  • Les jeux sont des systèmes.
  • Les jeux sont une forme d'art.

  • ….
    Pensez à tous ces éléments qui sont communs à tout les jeux (ou presque). Cela va vous fournir un point de départ pour vous aider à identifier les éléments formels du jeu.
    Je me réfère à ces éléments formels au sens mathématique et scientifique. C'est à dire quelque chose qui peut être explicitement définie. Je vais également me référer aux éléments formels du jeu comme des éléments atomiques (par exemple, les défis), dans le sens ou ces éléments sont les plus petites parties d'un jeu qui peuvent être isolées et étudiées individuellement.

    Quels sont les éléments atomiques des jeux?
    Cela dépend à qui vous le demandez.
    J'ai vu plusieurs schémas de classification. Et tout comme la définition du « jeu », aucune n'est parfaite. Mais en observant individuellement les éléments atomiques du jeu, nous pouvons voir quelques thèmes qui vont nous éclairer. Et nous allons avoir besoin de cette lumière pour pouvoir concevoir des jeux.

    Voici différents éléments des jeux, et des parties, que les concepteurs doivent considérer lorsqu'ils créent les jeux.

    Les joueurs
    Combien de joueurs peuvent être supportés par le jeu?
    Faut-il un nombre précis de joueurs (4 seulement) ou variable (2 à 5 joueurs)?
    Les joueurs peuvent-ils entrer et sortir durant la partie?
    Si oui, comment cela affecte le jeu?
    Quelles sont les relations entre les joueurs?
    Y a t-il des équipes ou des individus?
    Les équipes peuvent-elles être inégales?

    Voilà une liste d'exemple de structures de joueurs. Ce n'est en aucun cas une liste complète.

    Voici quelques exemples de jeu avec des structures différentes de joueurs :

    1 joueur contre le système de jeu. Valable pour Le Solitaire et également pour Le Démineur.


    Tête à Tête, Duel, PvP -player versus player. Un joueur contre un joueur. Les Échecs et le jeu de Go sont des exemples classiques.


    PvE -players versus Engine- Situation commune dans les MMO comme World of Warcraft.


    1 contre X (1 joueur contre plusieurs joueurs) Le jeu de société Scotland Yard est un bon exemple. Il oppose un seul joueur contre une équipe de détectives.


    Free-for-All (Chacun pour soi.). Assurément une structure assez commune dans les jeux multijoueurs. Le Monopoly est un bon exemple, mais aussi la plupart des jeux de tir FPS.



    Personnes distinctes à l'encontre d'un système (1 joueur contre une série d'autres joueurs). Le jeu de Casino comme Blackjack est un exemple, ou le Casino joue « contre » un joueur unique, contre plusieurs autres joueurs. Mais le joueur ne cherche pas à entraver les autres joueurs et réciproquement.



    Compétition par équipe (plusieurs joueurs contre plusieurs joueurs). C'est aussi une structure commune. Si on la retrouve dans de nombreux sports, cette structure s'applique aussi au Paint Ball, aux jeux en ligne etc...



    Prédateur/Proie : Les joueurs forment un cercle (réel ou virtuel). L'objectif de chacun étant d'attaquer le joueur à sa gauche, et de se défendre contre le joueur à sa droite. Le jeu de carte Vampire utilise cette structure.


    L'Étoile à 5 branches : L'objectif est d'éliminer les joueurs qui ne sont pas directement à côté de vous.


    Les Objectifs
    Quel est l'objectif d'un jeu? Qu'est-ce que les joueurs vont devoir faire pour atteindre l'objectif fixé par le jeu?
    Ce sont les premières questions que vous devez vous poser quand vous voulez concevoir un jeu. En particulier si vous êtes coincé et si vous ne savez pas par où commencer. Une fois que vous avez l'objectif, de nombreux autres éléments formels vont se dessiner pour vous.

    Voici une liste d'objectifs assez communs (encre une fois, ce n'est pas une liste complète) :

    Capturer/Détruire : Éliminer toutes les pièces de votre adversaire de la partie. Le jeu d’Échecs est un exemple bien connu ou vous devez éliminer les forces adverses pour gagner.
    Contrôle territorial : L'objectif n'est pas nécessairement de détruire l'adversaire, mais de prendre le contrôle de certaines zones de la carte. Le jeu RISK est un exemple.


    Collection : Le jeu de carte Rami, et ses variantes impliquent la collecte de cartes pour gagner. Tout comme Bohnanza consiste à recueillir des haricots. De nombreux jeux vidéos de plateforme, comme la série Spyro, comprennent des niveaux où il faut recueillir un certain nombre d'objets disséminés dans le niveau.


    Résoudre : Le jeu de société Clue (ou Cluedo, selon l'endroit ou vous habitez) est un exemple de jeu ou vous devez résoudre une énigme.


    Course/Chasse/Évasion : En général, il s'agit de jeu ou vous devez soit vous rapprocher, soit fuir quelque chose . Le jeu vidéo Super Mario Bros est un exemple.


    Alignement spatial : Un certain nombre de jeux impliquent le positionnement des éléments comme objectif, y compris les jeux non numériques. Le jeu des Morpions par exemple, mais aussi Tetris.


    Générer (le contraire de Détruire) :  Votre objectif sera de faire progresser votre personnage ou de bâtir vos ressources. Les Sims comportent des éléments forts de construction.


    La négation d'un autre objectif : Dans certains jeux, quand un joueur commet un acte prohibé par les règles, ce joueur perd. Ces jeux font généralement intervenir la dextérité physique. Par exemple, le jeu Twister.



    Les règles (mécaniques)
    Comme mentionner dans les cours précédents, il y a 3 catégories de règles :
    Les règles de Setup : celles que vous faites une fois en début de jeu.
    Les règles de Progression : ce qui se passe pendant le jeu.
    Les règles de Résolution : celles qui définissent les conditions à remplir pour pouvoir terminer le jeu.

    Certaines règles sont automatiques. C'est à dire qu'elles sont déclenchées à un certain moment dans le jeu sans que l'action du joueur y soit associée. Lorsque vous piochez une carte au début de votre tour par exemple où qu'un compteur réduit votre bonus.
    D'autres règles déterminent les choix ou les actions que les joueurs peuvent prendre dans le jeu, et les effets de ces actions sur l'état du jeu.

    Nous allons creuser un peu plus profond. Katie Salen et Eric Zimmermann, dans leur ouvrages sur les règles du jeu distinguent 3 types de règles. Ils les appellent :

    Les règles Opérationnelles
    Les règles Caractéristiques
    Les règles Implicites

    Ce ne sont pas des termes standard dans l'industrie du jeu. Aussi, les concepts seront plus importants que la terminologie utilisée dans ce cas. Pour analyser ces points, nous allons prendre comme support, le jeu des Morpions.



    Nombre de joueurs : 2
    Configuration : Dessiner une grille de 3X3. Choisissez un joueur désigné X, et son adversaire désigné O.
    Progression dans le jeu : Lorsque c'est à vous de jouer, marquez une case vide avec votre symbole. Puis, passez la main à votre adversaire.
    Résolution : Si vous obtenez 3 de votre symbole sur une rangée (orthogonalement, ou diagonalement), vous gagnez. Si la grille est complète, donc plus de place pour jouer, alors c'est un match nul.
    Dans cet exemple, on parle de règles opérationnelles. Mais réfléchissez un instant. Est-ce là les seules règles du jeu?
    A première vue, il semble que oui, mais que faire si je suis en train de perdre et refuse de prendre mon tour?

    Les règles ne donnent pas explicitement une limite de temps. Cependant, dans le jeu proprement dit, un délai raisonnable est implicite. Ce n'est pas une règle formelle de la partie, mais cela fait partie de ce que nous appelons les règles implicites. Il y a une sorte de contrat social tacite entre les joueurs, et cela est compris, même lorsque ce n'est pas indiqué.

    Même dans les règles formelles, il existe 2 niveaux. Le tableau de 3×3 cases, et les symboles « X » et « O » sont spécifiques au jeu du Morpion. Mais vous pouvez les modifier.
    En redéfinissant le nombre de cases du tableau par exemple, tout en préservant la propriété mathématique (multiple de 3), vous pouvez avoir un tableau de 3X15. Vous pouvez également remplacer les symboles « X » et « O » par n'importe quel autre symbole. Quand bien même la surface du tableau et les symboles sont différents, les règles de base sont les mêmes.
    Ces règles du jeu s'appellent les règles caractéristiques.

    Est-il utile de faire la distinction entre ces trois types de règles?
    Je pense que c'est important d'en être conscient pour deux raisons majeures :

    La distinction entre règles Opérationnelles et Caractéristiques nous aide à comprendre pourquoi un jeu est amusant par rapport à d'autres jeux.
    Le jeu d'arcade classique Gauntlet a un gameplay très similaire à Doom. La différence majeure est la position de la caméra.


    Pour ceux d'entre vous qui jouent à des jeux de société, un exemple similaire est le jeu de plateau Puerto Rico, qui est très semblable au jeu de cartes Race for the Galaxy. La ressemblance n'est pas dans l'apparence. Elle est dans les règles.


    Beaucoup de jeux FPS contiennent une règle où, quand un joueur est tué, il réapparaîtra à un endroit spécifique connu dans le niveau de jeu. Un autre joueur peut alors se tenir près de cet endroit et tuer n'importe qui, qui réapparaîtra, avant même d'avoir eu la chance de réagir. C'est connu comme le loup blanc, et est assurément très ennuyeux pour le destinataire. Est ce que cette action fait partie du jeu (puisqu'il est autorisé par les règles)? Est-ce la bonne stratégie, ou est-ce tricher ? 

    Cela dépend à qui vous demanderez, car cela fait partie des règles « implicites » du jeu. Lorsque deux joueurs fonctionnent sous différentes règles implicites, vous obtiendrez éventuellement un joueur accusant l'autre de tricherie (ou simplement d'être « cheap ») tandis que l'autre joueur restera sur la défensive, en affirmant qu'il joue selon les règles, et qu'il joue bien pour gagner. La leçon ici est qu'il est important pour le Game Designer de définir un maximum de règles, afin d'éviter ce type d'argument au cours de la partie.

    Ressources et gestion des ressources (ressources management)
    J'utiliserai le terme de ressources pour désigner tout ce qui est sous le contrôle d'un seul joueur. Évidemment, cela comprend les ressources explicites (le bois et le blé dans Setllers of Catan, la vie, les manas et les trésors dans World of Warcraft). Mais cela peut aussi inclure d'autres éléments qui sont sous le contrôle du joueur :
    • Le contrôle du territoire dans « RISK »
    • Le nombre de questions restantes dans le jeu « 20 Questions »
    • Les objets qui peuvent être ramassés (armes, bonus)
    • Le temps (temps de jeu, ou en temps réel, ou les deux)
    • Les informations connues (comme les suspects que vous avez localisés)
    • etc...
    Quels types de ressources les joueurs peuvent-ils contrôler ?
    Comment ces ressources sont-elles modifiables ou manipulables en cours de jeu ?
    C'est ce que le Game Designer doit définir de façon explicite.

    État du jeu
    Certains ressources ne sont pas forcément détenues par un seul joueur, mais font toujours partie du jeu : comme les rues sans propriétaire au Monopoly, ou encore la pioche dans le jeu de carte. L'ensemble des ressources dans le jeu, y compris les ressources du joueur, et tout ce qui peut être contenu dans une photo instantanée du jeu sont appelé état du jeu.
    Dans les jeux vidéo, on doit définir l'état du jeu, car il comprend toutes les données que l'ordinateur doit sauvegarder.

    Les informations
    Quelle quantité d'informations est visible pour le joueur?
    Modifier la quantité des informations disponibles pour les joueurs peut avoir un effet drastique sur le jeu, même si tous les autres éléments formels sont les mêmes. Voici quelques exemples d'informations visibles dans les jeux :

    Certains jeux offrent l'accès complet aux informations, où tous les joueurs peuvent voir l'état du jeu, en tout temps. Le jeu d'Échecs et de Go sont des exemples.
    Mais un jeu peut inclure des informations qui sont compartimentées, visibles pour certains joueurs, et invisibles pour d'autres. Le Poker est un exemple.

    Un joueur peut avoir accès à ses propres informations, tandis que les autres joueurs ne le l'ont pas. C'est courant dans les jeux « One-against-many » : « Un-contre-plusieurs » (1 joueur contre des joueurs). Le jeu de Scotland Yard  par exemple.

    Ces informations peuvent être combinées. De nombreux jeux de stratégie, le plus souvent en 3D temps réel, utilisent ce que l'on appelle le Fog War : « le brouillard de guerre ». Certaines sections de la carte sont dissimulées pour tout joueur qui n'a pas encore exploré une zone. 

    Séquençage
    Dans quel ordre les joueurs font-ils le jeu?
    Comment l'action de l'un va t-elle permettre de passer la main à l'autre joueur?
    Comment passe t-on d'une action à une autre ?
    Le jeu peut fonctionner différemment, en fonction de la structure qui est utilisée :
    Certains jeux sont purement axés sur le tour à tour : à un moment donné, c'est le « tour » d'un joueur unique sur lequel on peut prendre des mesures (par rapport à son action). Lorsque son action est faite, on passe au tour de quelqu'un d'autre. Plusieurs jeux classiques ( Échecs, Go...) ainsi que les jeux de stratégie tour par tour fonctionnent de cette manière.

    Séquençage en temps réel
    D'autres jeux sont axés sur le tour à tour, mais avec un jeu simultané (tout le monde prend une décision en même temps). Par exemple chaque joueur dépose une carte sur la table et la révèle simultanément. Le jeu Diplomaty fonctionne comme cela.
    Dans les jeux en temps réel, les mesures sont prises aussi rapidement que les joueurs peuvent en prendre. La plupart des jeux vidéo orientés vers l'action entrent dans cette catégorie, mais même des jeux non numériques (tels que les jeux de cartes) fonctionnent de cette manière.

    Il peut y avoir des variantes supplémentaires.
    Pour un jeu tour par tour, dans quel ordre les joueurs prennent-ils leur tour ?
    Jouer les uns après les autres dans le sens horaire est commun. Le tour dans le sens horaire et ensuite sauter le premier joueur (pour réduire l'avantage du premier joueur) est une modification dans de nombreux jeux de société modernes. J'ai également vu des jeux où on tourne de façon aléatoire.

    Interaction des joueurs
    C'est un aspect souvent négligé mais très important. Comment les joueurs interagissent-ils entre eux ? Comment influencent-ils l'action des autres joueurs?

    Voici quelques exemples d'interaction entre les joueurs :
    - Conflit direct (« je vous attaque »)
    - Négociation (« si vous me soutenez pour accéder à la Mer Noire, je vous aiderai à entrer au Caire au prochain tour »)
    - Commerce (« je vous donne du bois en échange de votre blé »)
    - Partage de l'information (« j'ai précédemment exploré cet endroit et je vous informe : si vous y allez, prenez garde au piège»)

    Thèmes (narration, trame de fond ou réglage)
    Ces termes ont des significations distinctes pour les personnes qui sont des auteurs professionnels, mais pour nos fins ils sont utilisés pour désigner les parties du jeu qui ne touchent pas directement le gameplay.
    Si en terme de gameplay ce n'est pas important, pourquoi s'embêter avec ça?

    Il y a deux raisons principales :
    1 - Le cadre rend l'investissement émotionnel plus facile pour un joueur..
    2 - Un thème bien choisi peut rendre un jeu plus facile à apprendre et à jouer, parce que les règles ont un sens. 

    Les Jeux comme système
    Je tiens à rappeler deux choses au sujet de ces éléments formels :

    1 - Si vous modifiez un seul élément formel du jeu, cela peut en faire un jeu très différent. Chaque élément formel d'un jeu contribue d'une manière profonde à l'expérience du joueur. Lorsque vous créez un jeu, réfléchissez à chacun de ces éléments et assurez-vous que chaque élément est un choix délibéré.
    2 - Notez que ces éléments sont interdépendants, et en changer un peut en affecter d'autres. Les règles régissent les changements dans l'état du jeu. L'information peut parfois devenir une ressource. Le séquençage peut entraîner différents types d'interaction avec le joueur. Le changement du nombre de joueurs peut affecter les objectifs, et ainsi de suite.
    En raison de la nature interdépendante de ces éléments, vous pouvez cadrer tout un jeu en tant que système.

    Une autre propriété du système est qu'il est difficile de tout comprendre ou prédire, juste en le définissant ; vous gagnerez en compréhension en voyant le système mis en place.
    Considérons le système physique de projection. Je peux vous donner une équation mathématique pour définir le chemin d'une balle lancée qui rebondit, et vous pouvez même prédire son comportement... Mais tout cela est beaucoup plus logique si vous voyez réellement quelqu'un lancer une balle et la faire rebondir.

    Le jeu est ainsi fait. Vous pouvez lire les règles et définir tous les éléments formels d'un jeu, mais pour vraiment comprendre un jeu, vous avez besoin d'y jouer.

    Analyse critique des jeux
    Qu'est ce qu'une analyse critique, et pourquoi s'y intéresser ?
    L'analyse critique ne se limite pas à un examen du jeu. Cela ne concerne pas uniquement le nombre d'étoiles qu'un jeu peut avoir, ou n'importe quelle autre note de 0 à 10, ou si un jeu est « fun » (quoique cela puisse signifier), ou aider le consommateur à acheter un jeu ou non.

    L'analyse critique ne signifie pas seulement de lister les choses qui dysfonctionneraient dans le jeu. Le mot « critique » dans ce contexte ne signifie pas « recherche de pannes », mais plutôt : regard approfondi et impartial sur le jeu.
    L'analyse critique est utile lors de discussions ou de comparaisons de jeux. Vous pouvez dire « j'aime le jeu de cartes Magic parce que c'est amusant », mais cela ne nous aide pas en tant que concepteur à savoir pourquoi ce jeu est amusant. Nous devons regarder les parties de jeux et la façon dont ces parties interagissent afin de comprendre comment chaque partie est liée à l'expérience de jeu.

    Il existe plusieurs façons d'analyser de façon critique un jeu, mais je vous propose un processus en trois étapes :
    1 - Décrire les éléments formels du jeu. A ce stade : ne pas interpréter mais simplement énoncer ce qui est là.
    2 - Décrire les résultats des éléments formels quand ils sont mis en mouvement. Comment ces différents éléments interagissent-ils ? A quel autre jeu ressemble t-il ? Est-ce qu'il fonctionne bien ?
    Essayez de comprendre pourquoi le concepteur a choisi ces éléments et pas d'autres. Pourquoi ce choix d'une structure de jeu en particulier, et pourquoi tel ou tel choix dans la valeur des ressources ?
    3 - Que ce serait-il passé si le concepteur avait fait d'autres choix?

    Beaucoup d'éléments ont été vus lors de cette session, aussi, je propose de garder en tête principalement, les éléments suivants :

    Les jeux sont des systèmes.
    Il est beaucoup plus facile de comprendre un jeu si vous y avez joué.
    Analyser un jeu requiert d'observer chaque élément qui le constitue, et comprendre comment ces éléments s'imbriquent pour permettre de vivre une expérience ludique.

    La conception d'un jeu nécessite de créer toutes ses composantes. Si vous n'avez pas défini les éléments formels du jeu, alors vous n'avez pas vraiment de jeu. Vous avez juste l'idée. C'est très bien, mais pour concevoir votre jeu, vous avez besoin de réellement concevoir ses éléments.

    A ce stade, certains d'entre vous s'imaginent qu'ils courent le risque que quelqu'un d'autre va piquer leurs idées de génie qu'ils ont mis au point. Gardez en tête qu'on ne peut pas protéger les idées. Les idées sont monnaie courante dans les jeux, et la valeur de votre idée n'est rien, comparée à la mise en œuvre de cette dernière.


    traduction : Céline Bernardeau

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